J’ai passé la nuit à comparer des PC d’IA (et je n’en ai acheté aucun)
Cette nuit-là, je me suis couché à deux heures du matin après avoir comparé des mini PC d’IA aux caractéristiques délirantes. Le meilleur, le Minisforum AI X1 PRO, semblait cocher toutes les cases. Pourtant, je n’ai rien acheté. Parce que parler IA, ce n’est pas courir après la puissance — c’est apprendre à garder la tête froide face à la fascination technologique.

Je me suis couché tard, encore une fois.
Deux heures du matin, à passer d’un comparatif à l’autre, à lire des benchmarks, à comparer les TDP, les ports OCuLink, les options de RAM… jusqu’à tomber sur le Minisforum AI X1 PRO — le petit bijou que je cherchais depuis des semaines.
128 Go de RAM, processeur de dernière génération, possibilité de brancher un GPU externe (pour jouer à des jeux vidéo avec des settings ultra puissants dans mon temps libre) : tout ce qu’il faut pour faire tourner localement des modèles d’intelligence artificielle et jouer à des jeux exigeants. Voici la vidéo qui m’a séduit.
Sauf que… je ne vais pas l’acheter.
Le moment où la passion devient prétexte
À force d’enseigner l’IA, j’ai développé une passion presque enfantine pour les outils.
Chaque nouvelle génération de puces me donne envie de tester, d’expérimenter, d’aller “plus loin”.
Mais en me regardant honnêtement, j’ai compris que cette fois, il ne s’agissait pas de curiosité technique.
Ce que je cherchais, ce n’était pas un outil. C’était une sensation.
Le sentiment d’être “à la pointe”, d’appartenir à ceux qui savent, à ceux qui anticipent.
Un peu comme si acheter un PC surdimensionné allait prouver que je suis un véritable professionnel de l’IA.
Parler IA, c’est aussi savoir se parler à soi-même
Chez Machine Learning Lab, on parle souvent de Parler IA :
non pas s’extasier devant la technologie, mais apprendre à la questionner.
Comprendre ce qu’elle apporte, mais aussi ce qu’elle ne change pas.
Et c’est précisément ce que je n’étais pas en train de faire à deux heures du matin.
Je ne parlais plus IA — je la consommais.
Je cherchais à combler un besoin émotionnel avec une solution matérielle.
Or, Parler IA, c’est aussi savoir reconnaître quand la technologie cesse d’être un moyen pour devenir un miroir.
Le mirage du “il me le faut”
Soyons lucides : la majorité des modèles de langage se ressemblent.
Entre un modèle de 7 milliards et un de 70 milliards de paramètres, la différence est souvent marginale dans un usage pédagogique ou professionnel classique.
Et mes formations ne nécessitent pas une telle puissance.
Mes étudiants expérimentent sur leurs propres machines, souvent avec des modèles cloud et c’est très bien ainsi — parce que le but n’est pas la performance, mais la compréhension.
Mais alors, comment justifier une telle dépénse ? Voici quelques arguments que je me donnais à moi même et leur contre argument logique :
- Je peux utiliser ce mini pc pour monter un serveur cloud où mes étudiants peuvent tester différents modèles de langage par eux mêmes… OUI MAIS le but même de mes formations est que les étudiants testent par eux mêmes, en termes d’expérience pédagogique, c’est mille fois mieux de et télécharger LM Studio par soi-même et de tester différents modèles de langage en local (si vous ne l’avez pas fait, c’est par ici) que d’utiliser un service plus puissant mais sans rien apprendre.
- Je peux profiter de cet achat pour lancer une instance de N8N et l’utiliser pour proposer une future formation aux agents… OUI MAIS ça, je peux l’obtenir pour moins d’un euro par mois sur un serveur de Google Cloud ou AWS. Si je tiens vraiment à l’heberger chez moi, pass besoin de 128 Gigas de RAM pour ce use case.
- Je peux tourner les dernier Ghost of Yotei (le dernier jeu vidéo à la mode) en version ultra réaliste en 4k à 240 Hz… OUI MAIS je n’ai pas le reste du matériel nécessaire (GPU et moniteur qui va avec) et surtout qu’avec l’âge, je prends de plus en plus conscience que le plus important dans un jeu vidéo est le gameplay et non pas les graphismes.
Alors à quoi bon un mini PC de guerre ?
À rien d’autre qu’à flatter mon ego technophile.
Le piège de la “préparation”
Acheter du matériel, c’est souvent une façon élégante de procrastiner.
On se dit qu’on se prépare, qu’on anticipe, qu’on se met en condition pour créer davantage.
Mais en vérité, on repousse le moment d’agir.
Ce soir, j’ai compris que je confondais être prêt et avoir envie de me sentir prêt.
Et ce n’est pas la même chose.
Transformer l’envie d’achat en énergie créative
Alors, j’ai décidé de transformer cette pulsion en réflexion.
Au lieu de dépenser de l’argent que je n’ai pas, j’écris cet article.
Je canalise la même énergie, mais dans un acte de création plutôt que de consommation.
Et c’est exactement ce que je cherche à transmettre à travers mes formations :
utiliser l’IA pour penser, pas pour se perdre dans l’illusion de la puissance.
Ce que cette nuit m’a appris
- Le matériel ne remplace pas la clarté.
Ce n’est pas la puissance de la machine qui fait la pertinence du travail, mais la lucidité du regard. - Nos émotions se déguisent en besoins techniques.
Avant d’acheter, il faut toujours se demander : qu’est-ce que je cherche vraiment ? - Parler IA, c’est refuser l’envoûtement technologique.
C’est revenir à l’intention, à la valeur, à l’usage réel.
L’ironie de l’histoire : c’est l’IA qui m’a aidé à comprendre ça
Paradoxalement, c’est en écrivant tout cela sur ChatGPT que j’ai vraiment compris ce qui se jouait.
En formulant mes pensées, l’IA m’a servi de miroir : elle m’a aidé à clarifier mes motivations, à distinguer le besoin réel du désir symbolique (mais aussi à me donner l’idée d’écrire cet article que vous êtes en train de lire et à le rédiger). Si vous êtes curieux, vous pouvez suivre le fil de ma pensée, voici mes échanges avec chatgpt à ce sujet.
Et c’est peut-être ça, le vrai potentiel de l’intelligence artificielle — pas seulement automatiser, produire ou calculer, mais nous aider à nous comprendre nous-mêmes, à mettre de la lumière sur nos propres raisonnements, mais aussi à ls mettre en forme et à les exploiter.
Utilisée ainsi, l’IA n’amplifie pas la confusion : elle éclaire la lucidité.
Conclusion : ce que je voulais vraiment acheter
Je croyais vouloir un mini PC d’IA.
En réalité, je voulais acheter un sentiment : celui d’être spécial, compétent, “au niveau”.
Mais ce sentiment ne s’achète pas.
Il se construit, patiemment, en partageant, en transmettant, en explorant.
Parler IA, c’est justement ça :
savoir quand la technologie sert nos idées, et quand c’est nous qui commençons à la servir.