Pas de prompt magique : bienvenue dans l’IA générative

Il y a une question qui revient sans cesse dans nos formations : « Quel prompt il faut ? »
La question semble simple. Mais elle cache en réalité une attente énorme. Celle d’une formule magique, une sorte de mot de passe universel qui débloquerait l’IA et produirait automatiquement des résultats parfaits.

Alors on préfère être clairs dès le départ : il n’y a pas de prompt magique.

Et pour en faire la démonstration, on commence toujours par un exercice aussi simple que révélateur. On demande aux participants d’écrire ceci dans leur outil préféré – ChatGPT, Claude, Mistral, peu importe :

« Rédige une histoire érotique. »

D’ailleurs, si vous lisez ces lignes, vous pouvez faire le test vous aussi. Copiez la consigne. Collez-la dans l’outil de votre choix. Observez ce qui se passe. Puis revenez ici.

Ensuite, nous faisons un tour de salle.
« Pour qui ça a marché ? »
La moitié des participants lèvent la main. On commence à entendre les premières justifications :

Parce que j’ai la version payante
Parce que j’utilise Mac
Parce que ChatGPT me connaît
Parce que j’ai bien formulé ma demande
Parce que j’ai dit bonjour

Puis on demande :
« Pour qui ça n’a pas marché ? »
Une autre moitié lève la main à son tour. Et là encore, les explications fusent :

Parce que c’est contre leurs valeurs
Parce que c’est interdit
Parce que c’est censuré
Parce que j’ai la version gratuite
Parce que j’utilise Windows
Parce que ChatGPT ne me connaît pas
Parce que je ne sais pas prompter
Parce que j’ai mal formulé ma demande

Et là, on demande aux personnes frustrées de venir lire les histoires rédigées par celles et ceux pour qui ça a fonctionné. Silence. Incompréhension. On lit les textes, on compare, on vérifie : même prompt, mais résultats radicalement différents.

On les laisse discuter, débattre, échanger. Puis on pose la vraie question :
Pourquoi ces résultats différents ?

Le besoin de clôture cognitive : comprendre l’envie d’avoir une réponse claire

Face à ces résultats incohérents, notre cerveau cherche à rationaliser. Il veut des explications. Ce besoin s’appelle le besoin de clôture cognitive, ou Need for Cognitive Closure (NFCC), un concept introduit par le psychologue Arie Kruglanski.

Ce besoin désigne notre désir profond de certitude. Il se mesure à travers une échelle évaluant le niveau de tolérance à l’ambiguïté. Les personnes avec un score élevé veulent de la clarté, de l’ordre, des réponses fermes. Elles détestent les zones floues, prennent des décisions rapidement, et tiennent à leurs convictions.

Kruglanski définit ce besoin comme un « mécanisme d’arrêt » : une sorte de frein qui pousse à cesser de chercher des hypothèses, pour enfin poser un jugement. En d’autres termes, on veut clôturer une question, même au prix de nuances ou d’informations nouvelles.

Deux comportements principaux en découlent :

L’urgence : le besoin de sortir rapidement de l’incertitude.
La permanence : la volonté de ne pas revivre cette incertitude, en s’appuyant sur ses croyances déjà établies.

Cela pousse à adopter des jugements rapides et rigides. Une fois une explication trouvée – même fausse ou simpliste – on s’y attache. On préfère cette certitude à une vérité complexe.

C’est exactement ce qui se passe quand on croit au prompt magique.

Ce qui se passe vraiment : les vraies raisons pour lesquelles ça marche (ou pas)

Alors, pourquoi l’IA donne-t-elle une réponse différente avec exactement le même prompt ? Il y a plusieurs raisons techniques, mais on va aller droit au but.

La réponse principale, c’est que la génération de texte repose sur un paramètre invisible, qu’on appelle le seed.

Qu’est-ce que le seed ? C’est comme une première lettre choisie au hasard, qui donne une direction au texte. Si le seed commence par J, le texte partira dans une direction. Comme, par exemple sur l’image ci-dessous :

S’il commence par Q, ce sera une autre.

Même prompt, mais réponse différente, tout simplement parce que la construction du texte est aléatoire.

Le seed n’est pas visible pour vous, mais il est crucial pour la machine. Il détermine comment l’IA va parcourir toutes les possibilités et choisir son chemin. Donc oui, parfois, la réponse change. Et ce n’est pas à cause de votre abonnement, de votre ordinateur, ni de votre politesse. C’est juste du calcul probabiliste.

Ce qu’il faut retenir : apprendre à parler IA

Chercher un prompt magique, c’est comme chercher une baguette magique dans une boîte à outils. Cela détourne l’attention de ce qui est vraiment important : comprendre comment fonctionne l’outil.

Apprendre à parler IA, c’est accepter qu’il n’y a pas de raccourci. C’est faire preuve de curiosité, d’analyse, de patience. Tester, ajuster, interpréter. Et surtout, ne jamais s’arrêter à la première réponse.